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 Les photographies présentées par la Galerie Bleue font partie de la série "Vraissemblages".

Elles proposent un dialogue silencieux entre deux images qui n’avaient pas pour vocation première de vivre ensemble.

 

 


 

Extraits de l'entretien des élèves avec Michel Dieuzaide

- Pourquoi ne travaillez-vous pas en couleur ?

Michel Dieuzaide : Il y a deux raisons: la première c'est parce que le noir et blanc on peut le traiter soi-même, tout seul dans son laboratoire. La couleur, c'est beaucoup plus compliqué, il faut des équipements chers, la durée de conservation des produits est courte, et le développement est lui-même difficile. C'est très important que le photographe soit responsable de son image depuis le moment du cadrage jusqu'au moment de l'exposition. La deuxième raison qui est à mes yeux la plus importante, c'est que j'aime que l'image que je réalise n'ait pas trop à voir avec la réalité. Et la couleur, c'est le réel: un arbre est vert, les fleurs sont jaunes… Tandis qu'en faisant moi-même le travail de laboratoire je peux inverser les valeurs, c'est à dire que les choses qui sont très claires sur le négatif, je peux rajouter de la lumière quand je fais le tirage sur le papier . Cette cuisine est impossible en couleur. "Le noir et blanc, c'est le véritable jardin du photographe."

- Quelle est pour vous l'importance des marges entre les photos?

M. D : j'ai voulu que les deux images soient noyées dans un grand espace blanc pour bien montrer qu'il y a volonté de les mettre ensemble mais de laisser une marge suffisante entre les deux afin de pouvoir en regarder une sans être gêné par l'autre.. J'ai beaucoup tâtonné et là, j'ai un espace qui me paraît bien.

- Qu'est ce que vous préférez privilégier dans vos photos: plutôt l'aspect narratif, ou plutôt la forme, ou le contenu?

M. D : je n ' essaie pas de privilégier l'un ou l'autre . Certaines s'arrêtent à l'aspect graphique, d'autres à l'aspect narratif, au côté humoristique, je ne privilégie pas, je cherche afin que ce soit juste.

- Parfois j'ai l'impression que les assemblages ne sont pas logiques: par exemple le haut de l'arbre se trouve en bas de l’image, et le tronc en haut.

M. D : Je ne cherche pas de logique en assemblant ; au contraire il y a une volonté de combattre la logique. Ce qui est important c'est de se laisser aller là où on pense qu'on n'aurait jamais pu aller.. En réalité, on ne sait pas ce que l'on cherche, mais on ne peut pas faire autrement. C'est ça la création. On fait, parce qu'on a besoin de faire. On se trouve soi-même emporté dans des trucs où on n'aurait jamais pensé aller.

- quel est votre intérêt dans le fait que cette exposition soit dans un collège ?

M. D : ça, c'est formidable. Pour plein de raisons. D'abord c'est quand on est jeune que la sensibilité s'ouvre, se fait, se fabrique. C'est dans la jeunesse qu'il faut essayer de donner la possibilité de comprendre la démarche de travail de certains artistes. Mais la deuxième chose est la plus importante. Cette exposition vous auriez pu la voir dans un autre lieu, amenés par votre professeur. Vous n'y seriez sans doute pas revenus. Vous auriez pu voir une fois ces images et vous les auriez oubliées. Tandis que là, pendant plus d'un mois vous allez passer devant tous les jours et vous allez voir que inconsciemment la lecture ou l'appréciation que vous aurez de ces images va évoluer. C'est l'accoutumance des choses qui fait qu'on se met à les aimer et c'est pour cela que je trouve cette expérience de galerie dans le collège très importante. Ca va former, peut-être à votre insu, votre éducation à l'image, votre sensibilité.


L’objectif du collège concernant les arts plastiques dont l’horaire hebdomadaire est de cinquante cinq minutes, est entre autre d’amener l’élève à "appréhender la diversité et la multiplicité des statuts de l’image". Au- delà de "faire des images", d’ "utiliser les images", il s’agit d‘ amener les élèves à saisir les différences d’intention des auteurs, de donner les moyens de "lire" au- delà de la seule représentation et d’activer une réflexion sur la forme et le sens. La "lecture" des "Vraissemblages" a été proposée avant l’exposition aux élèves de troisième, sous forme de photocopies d’abord, puis dans la monographie elle- même. Après un travail oral classe entière, les élèves ont entrepris un travail de lecture par petits groupes à l’aide d’une grille de lecture, et après confrontation des résultats, chacun a travaillé individuellement avant de proposer sa lecture à la classe entière. Lecture très analytique reposant sur la comparaison ressemblances/ différences tant du pont de vue du contenu que de la forme, puis synthèse. Après ce travail, chaque élève a choisi une photo de Michel Dieuzaide et a dû trouver une image pour établir un dialogue avec elle qu’il a dû justifier. Finalement l’exposition est venue conforter l’expérience  vécue et démystifier le travail du photographe.

Michel Dieuzaide commente le travail des élèves

Le hibou comme le mineur est un travailleur de nuit. Cet animal nocturne voit, la nuit, de ses propres yeux alors que le mineur doit utiliser une lampe. Ils ont tous les deux un regard fixe, froid et perçant qui glace le sang. Du point de vu de la composition, les deux sujets sont pris de face et sont sur un même axe de symétrie.

Camille A.

 

J’ai choisi cette femme pour les similitudes de formes qu’elle présente avec le hibou. Tout d’abord la symétrie verticale qui partage "mon œuvre". Ensuite, les yeux, les lignes obliques de même direction (les sourcils semblables aux oreilles de l’animal, les cheveux découpés en traits verticaux et le pelage) se retrouvent sur les deux images. La différence essentielle sur la forme et la place des éléments de chaque photo : les yeux du hibou sont dans la partie supérieure de l‘ image ; ceux de la femme dans la partie inférieure. Les deux regards évoquent un sentiment de mystère et d’inquiétude. 

Charles G.

 


SUD -OUEST , 28 FÉVRIER 1998 (extrait de l'article)

Quand le milieu scolaire s’ouvre à l’art et aux artistes… Explication d’une démarche pédagogique peu banale.

Opérationnel depuis la rentrée de septembre, le vaisseau amiral du collège abrite de nombreux locaux : administration, documentation, d’informatique, et le foyer. L’ensemble offre un confort de travail certain. Même fréquenté par les 190 élèves de l’établissement, ce bâtiment moderne aurait pu assurer les fonctions qui lui sont dévolues dans une belle indifférence. Or, la "Galerie bleue" lui confère une véritable originalité, une identité. Mieux, une âme. Afin de concrétiser ce projet de galerie d’art, le Conseil Général a financé des travaux de peinture et d’éclairage. L’établissement a payé les cimaises (quarante mètres linéaires), le Département a réglé la facture des spots éclairant les œuvres exposées.

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