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Présentation de l'exposition par Anto Alquier

Exploitation pédagogique (en pdf)

      

Le travail de Gardelle est d’abord celui du potier devant le tour. D’une main il façonne le vide, de l’autre il l’habille de terre, peau plus ou moins épaisse qui se referme sur elle même ; la forme s ‘épanouit, concave ou convexe, selon la sensibilité de la main qui étire, appuie ou comprime la terre. Mais la rondeur, régulière ne sied pas à Gardelle. Il y a dans la régularité, la symétrie, trop de sagesse, trop de banalité, trop d’obéissance. Disons trop d’enfermement dans une technique. Michel a besoin d’impertinence, de liberté ; de singularité et d’affirmation de soi ; d’évasion et d’introspection. Alors ses mains s’émancipent et se dissipent ; défont le bel ordre du volume dans l’espace ; elles déforment, inclinent, ajoutent : le modelage soumet la forme à la pensée qui l’invente. L’objet s’éloigne de la fonction utilitaire à laquelle est vouée la céramique depuis des millénaires : pot, vase, carafe,…, pour devenir un objet sans usage. Voilà l’objet privé de sa fonction !

A ce travail de sculpteur qui imprime à la pièce son mouvement et sa singularité, s’ajoute celui du peintre qui, en fin connaisseur de la " cuisine " céramique, joue avec les chamottes et les engobes. De ce jeu naît l’expressivité de la matière. Son aspect lisse ou rugueux, ses granulosités et ses craquelures lui confèrent une certaine sensualité. La couleur, mystérieuse alchimie de la terre et du feu, crée l ‘atmosphère. Sombre ou claire, dans les bruns cendrés ou les blancs ocrés, les engobes sont posées au pinceau, à la spatule, à la louche,… dans une gestuelle spontanée, générant des taches et des signes abstraits chargés de symboles.

Insurgé de la céramique, Michel Gardelle n’a pas froid aux yeux ! Sans hésitation et avec un brin de jubilation il assemble la céramique à d’autres matériaux  qu’il trouve ou qu’il fabrique au gré de son imagination turbulente. Il s’agit de jouer avec les contrastes de forme, de matière ; d’étonner, de surprendre, d’inventer un champ formel qui signe une création très personnelle. Loin de lui l’académisme, l’asservissement aux rigueurs du métier.

 

Mais s’il lui tourne le dos, s’il déborde la technique propre de la céramique c’est au profit de la poésie del’objet, de tout ce que celui-ci témoigne de passion, d’attachement à d’autres civilisations. Car Gardelle est un voyageur, à la rencontre des origines. Ses œuvres rendent hommage aux peuples avec lesquels il partage la passion de la terre et du feu. Les " burka "sont un hommage aux femmes afganes, les " totems " sont des statuettes–réceptacles qui rappellent les  fétiches africains. Ses " colonnes " ressemblent à la " tour de Babel " qui symbolise la nécessité qu’a l’humanité de parler une même langue pour se comprendre et avancer.

" L’Afrique m’habite " écrit-il. C’est ce que dit sa peinture. Gardelle peint avec la terre. Sur d’humbles contreplaqués, il couche ses impressions de voyage, ses rencontres avec ce pays " où le soleil est plus grand et les odeurs plus fortes ". Il superpose des engobes, des oxydes et de l’huile de lin sur des fonds noirs de peinture. La matière est riche et lumineuse du soleil blanc de l’Afrique. Dans le blanc, le rose pâle, le gris et les ocres clairs il grave des signes d’architecture, sa mémoire des formes, celle des coupoles des mosquées. Le geste est ample et nerveux, le graphisme appuyé ou léger.

Gardelle passe de la céramique à la peinture comme on passe d’une rive à l’autre d’un fleuve. Elles sont l’expression d’un même désir : celui du partage : partage d’émotions, d’expériences, pour une meilleure connaissance des autres et donc de soi.

Anto Alquier

 


ENTRETIEN AVEC M. GARDELLE ET LES ELEVES

 

Les œuvres qui sont au premier étage à gauche font-elles partie d’un ensemble ?

Au départ il n’y avait aucune intention de ma part. Il fallait « combler » cet espace et j’ai eu l’idée de mettre ces œuvres pour former un ensemble spontané que les élèves pourront interpréter selon leur imagination !

 

Vous servez-vous de techniques spécifiques pour créer vos peintures ?

Effectivement j’emploie certaines techniques particulières. Je fabrique moi-même ma peinture avec des terres et des pigments. Je mélange aussi de la chamotte à ma peinture ce qui donne cet aspect granuleux que l’on peut voir sur certaines de mes œuvres. Je peins sur du contre-plaqué que je pose sur le sol et je modifie la texture (coulant épais) en utilisant une brosse ou une truelle. Je commence généralement par faire un fond noir que je recouvre ensuite de peinture. La plupart du temps je travaille dans mon jardin et pendant la journée.

 

Le fait de travailler la terre vous procure t-il une sensation particulière ?

Oui ! Le fait de malaxer, triturer, modeler, de faire prendre, comme je le désire du volume, des formes à la terre me procure effectivement des sensations très sensuelles !

 

Lorsque vous commencez une œuvre, savez-vous comment elle sera une fois terminée ?

Normalement je sais exactement comment elle sera au final. Je ne compte pas sur le hasard mais il faut toujours prendre en compte les aléas comme par exemple une céramique qui se brise pendant la cuisson. Cela fait partie du métier mais ce n’est pas très important pour moi. Il faut savoir aussi qu’une céramique cassée ne se répare pas… Il faut l’accepter et rien n’est éternel ! ! !

 

Qu’aimeriez-vous que les visiteurs ressentent en voyant vos œuvres ?

Je ne demande pas aux gens d’admirer mes œuvres, mais juste de les regarder et d’engager un dialogue entre mes créations eux et moi. Mais le plus important est que je créée pour moi. C’est une forme d’égoïsme !

 

Certaines de vos céramiques ont été cuites au feu de bois. Pouvez-vous nous parler de cette technique ?

La technique de cuisson au feu de bois est une des plus ancienne. Le foyer du four « l’alandier » doit être grand et il en existe avec des formes très différentes les unes des autres. Avec le feu à bois, on peut utiliser toutes sortes de techniques, donc selon le résultat voulu, on se servira de telle ou telle forme de four.

 

Quand, comment, et pourquoi vous êtes vous lancé dans la céramique ?

Dès l’âge de trois ans je voulais être peintre et sculpteur. Je suis devenu autonome financièrement vers vingt-quatre, vingt-cinq ans. J’avais à cette époque une bergerie dans le Limousin avec un four à bois. J’ai toujours été sensible à la matière comme l’argile.

 

Sur une de vos œuvres on peut lire le nom d’une firme pétrolière. Pouvez-vous nous en expliquer la raison ?

C’est un clin d’œil une « moquerie » et surtout une critique de ces sociétés qui gagnent beaucoup d’argent au détriment des peuples souvent les plus pauvres.

 

Avez-vous des préférences pour vos couleurs ? Si oui lesquelles ?

Non je n’ai pas vraiment de préférence, mais plus mon travail avance plus j’emploie le noir et le blanc. Mes premières toiles étaient plus colorées que maintenant !

 

Vos œuvres vous inspirent-elles de la joie ou de la souffrance ?

De la joie ! ! ! Je veux continuer de vivre et m’amuser le plus possible grâce à la création.

 

Faites-vous des dessins préparatoires avant de commencer vos œuvres ?

Parfois. Quand je me lance dans certains projets, je fais des esquisses sur des feuilles de papier.

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