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Une exposition commune

"Totems " (Jean Léonard Stoskopf)

et

"Tentures" (Philippe Guesdon)


Lire le texte de présentation des artistes

Témoignage des artistes

Extraits de l'entretien des élèves avec Philippe Guesdon et Jean Léonard Stoskopf


Exploitation pédagogique en Arts Plastiques

 

Jus de fruits (en 3ème) Où est le fond ? Où est la forme ? (en 6ème) Composition à base de kiwis

Rythme linéaire au pinceau , avec un seul trait  (5ème) Rythme linéaire à la plume avec un trait (serré/espacé ; fin/épais ; vertical/oblique)  Rythme linéaire à la plume avec plein et v ide

Exploitation pédagogique en Français

 

DIALOGUE ENTRE UNE SCULPTURE ET UNE PEINTURE

Je suis de Guesdon

Et moi de Stoskopf

Peint sur une toile

Inscrit sur du bois

Mon langage : formes et couleurs qui s’enlacent

Mon code bleuté et boisé s’embrase

Autrefois rouge, le gris m’envahit

Alors que sur moi, un ruisseau bleu s ‘épanouit

Cernées de blanc, mes formes sont emprisonnées

Contraintes par le bleu, mes branches sont déchirées

Mon framboisier, alors condamné

Et mon arbre mort s’emmure. Mais pour nous deux, une interprétation de l’écriture.

HABERNET Loïc, PONSOLLE Thibaut. 3ème.


Cette année scolaire 2003-2004 s’ouvre sur la 17ème exposition de la Galerie Bleue. Après avoir montré un éventail de techniques dans des styles variés, il nous a paru enrichissant de confronter dans une même exposition l’univers plastique d’un peintre et celui d’un sculpteur dont les préoccupations présentent une évidente parenté.

 

Philippe GUESDON est né à Rouen en 1952. Agrégé d’arts plastiques, il peint et enseigne depuis 1978.

Léonard STOSKOPF est né à Paris en 1941. Peintre jusqu’en 1974, il se consacre depuis à la sculpture sur bois.

Outre un grand nombre d’expositions personnelles et collectives, les deux artistes ont exposé ensemble dans diverses galeries (Paris, Créteil), à Souillac, au Mans, à Béziers, et dans les musées de Niort, de Courbevoie, de Charleville.

Exposer pendant deux mois dans un collège et rencontrer tous les élèves leur a semblé une expérience nouvelle et digne d’intérêt.

 

L’un peint, l’autre sculpte.

Pour l’un, la chaîne et la trame de la toile ; pour l’autre les fibres et les veines du bois.

Pour chacun, une économie de moyens : une palette colorée restreinte et le graphisme.

Pour les deux, la fascination de l’écriture.

 

Guesdon, le peintre, s’invente des alphabets . Il propose ici une " relecture " des bois gravés de Dürer. Sur la toile de lin libre, volontairement fripée, il reprend les motifs, ordonne des signes, les découpe en lanières, recompose la surface. Le fond et la forme s’enchevêtrent, une écriture émerge. L’œil tente de lire, déchiffre, reconnaît une lettre, un chiffre, une silhouette, puis s’égare, cherche une forme semblable, la suit, la poursuit puis se perd. Le message est brouillé. Pas de début, pas de fin, pas de centre, pas de bord. Toute la surface vibre. Une forme colorée contenue par un fil de lumière tremble, s’étire, s׳allonge, se rétrécit ; elle envahit le fond, ménage des espaces de respiration, souffle, s’ordonne en bandes horizontales ou verticales, parfois les deux. A l’organisation élémentaire, s’oppose la complexité des formes et l’œil frissonne de ne savoir où s’installer pour un peu de repos. Guesdon tisse un mystérieux langage dans lequel on se perd comme dans un labyrinthe.

 

Stoskopf, le sculpteur, s’approprie l’alphabet du bois pour récrire l’histoire de l´arbre. " Au départ, il y a toujours du bois débité, équarri ; c’est peut-être cet état du bois au seuil de l’utilitaire, alors qu’il semble avoir perdu tout contenu, qui m’incite à remonter le courant vers la source ". " …il m’arrive pour caractériser mon travail de dire que je fais une sculpture de peintre. Le bois est mon unique matériau et qu’elles soient murales, posées sur un socle ou dressées comme des totems, de petite taille ou monumentales, mes sculptures sont toujours faites à partir de planches superposées ou découpées en lamelles juxtaposées. Elles s’apparentent toujours à des bas-reliefs ". Leur surface, brute ou polie, veinée selon les essences, est animée de graphismes de la même famille que ceux lisibles sur le bois. Ils s’alignent et se répètent comme une écriture : signes gravés, entailles, scarifications, incisions, soulignés au brou de noix ou avec ce bleu qu’il a rencontré lors d’un voyage à Dakar. Il s’agit pour Stoskopf de remettre le bois dans le sens de la vie et faire circuler en lui une nouvelle sève.

 

L’un et l’autre nous placent devant des œuvres qui se donnent à lire. L’un et l’autre élaborent une écriture qui ne se laisse pas déchiffrer aisément mais qui invite chacun à s’abandonner à son imaginaire.

Anto Alquier

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Impressions d'artistes

Jean Léonard STOSKOPF :

 

La maturité des élèves du collège Val d’Adour rencontrés au cours des deux journées passées avec eux m’a frappé.

L’orientation qui est donnée à leurs productions littéraires et en arts plastiques leur permet de forger leur personnalité. Ils tirent profit avec intelligence de la marge de liberté qui leur est laissée pour laisser transparaître un plaisir non dissimulé.

Je pense que l’enrichissement venant de ce contact permanent avec des expressions variées va beaucoup plus loin que la simple connaissance des arcanes de l’art contemporain. La participation qui est sollicitée les valorise à leurs propres yeux, développe l’esprit critique, stimule les échanges entre eux et aiguise leur curiosité intellectuelle. Ce sont toutes ces qualités que j’ai reconnues en eux.

 

Philippe GUESDON, professeur et artiste peintre.

Etant enseignant, il m’a été facile de me rendre compte que les élèves du collège de Riscle font preuve de beaucoup d’aisance et de pertinence dans leur relation avec les œuvres d’art auxquelles ils sont confrontés et plus généralement, dans leurs échanges avec les autres. Cette intelligence manifestée, tant dans leurs productions écrites et plastiques que lors des échanges oraux, est de plus en plus évidente de la classe de sixième jusqu’en troisième. Il est tout à fait raisonnable de penser que ces qualités tiennent d’une part, à un enseignement de grande qualité (professeurs investis et habitués à travailler ensemble), et d’autre part à la présence, au sein même de l’établissement, de la  Galerie Bleue. Les œuvres côtoyées sont interrogées à force d’être fréquentées et puisqu’elles font l’objet de propositions de travaux, tant en Arts Plastiques qu’en Lettres, elles sont réfléchies, analysées avant d’être débattues avec les artistes eux-mêmes ; il s’ensuit que les élèves finissent par percevoir sans effort, les problématiques des œuvres.

Les élèves du collège Val d’Adour ont une culture personnelle, une facilité à échanger et une curiosité intellectuelle tout à fait remarquable. Je garderai de ces journées passées en leur présence la mémoire d’instants de partage forts, agréables et riches.

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Extraits de l'entretien des élèves avec Philippe Guesdon et Jean Léonard Stoskopf

Rencontre avec Jean Léonard Stoskopf et Philippe Guesdon

 

17 et 18 novembre 2003

 

 

 

-Pourquoi avez-vous choisi d'exposer ensemble ?

C'est Philippe Guesdon qui en est à l'origine. Les deux artistes exposaient dans la même galerie sans se connaître. Lors d'une exposition dans un lieu de grande dimension il a demandé à la galeriste d'inviter J.L.Stoskopf pour "habiller "le volume de la pièce car il trouvait des correspondances dans leurs travaux qui s'appuient tous deux sur le graphisme. "L'œil peut aller d'une œuvre à l'autre ; il se crée ainsi un rythme dans la présentation par alternance. On cherche des accords, des correspondances. On augmente alors l'émotion du regardeur."

 

-Vous influencez-vous l'un l'autre ?

Les deux artistes vivent loin l'un de l'autre donc ne travaillent pas ensemble. Ils ne se côtoient qu'au moment des expositions, l'un cherchant toujours à émerveiller l'autre par son travail récent. Chacun est le meilleur spectateur du travail de l'autre.

Tous les deux travaillent par" bandes". Si celles de Guesdon proviennent du "démontage" du dessin qui lui sert de matière première, celles de Stoskopf sont nées de l'outil qui ne scie qu'une épaisseur de 6 centimètres. Pour l'un et l'autre, ce découpage équivaut à une fragmentation du temps.

 

-M.Guesdon, pourquoi avez-vous choisi de peindre "abstrait" ?

Malgré les apparences P. Guesdon n'est pas un peintre abstrait. Pour travailler, il a besoin d'un point de départ figuratif . Il est fasciné par le vide si bien qu'à ses débuts il a commencé par peindre les vides qui se dessinent sur le ciel entre les feuilles des arbres ; les vides des balcons de Paris ; les vides de dentelles qui se trouvaient dans un tiroir chez lui ; les vides des écritures : celle de Van Gogh, la sienne ; et depuis quelques années, à partir des bois gravés de DÜRER. "Le sujet ne fait pas le tableau, c'est la manière de le traiter, ce que le peintre apporte de lui-même", a ajouté M. Stoskopf.

 

-quelle est votre méthode de travail ?

Je découpe la gravure en plusieurs parties et chaque partie en lanières que je réorganise en évacuant l'anecdote, ce qui fait image, mais en conservant l'ossature de l'œuvre. C'est une opération de démontage-remontage qui élimine le figuratif bien qu'il soit toujours dessous. Certaines de ses recherches, classées, numérotées, deviendront des peintures. Les artistes brouillent les pistes. Ce sont des illusionnistes qui modifient l'ordre des choses.

 

-Pourquoi la toile froissée ?

Un jour, j'ai vu l'une de mes toiles se refléter dans la laque noire du piano de ma salle à manger. Et ce reflet était beaucoup plus intéressant que la peinture elle-même parce que l'image ondulait. Pour retrouver cet effet j'ai eu l'idée de froisser la toile. Ainsi, la peinture réagit autrement sur la surface à cause des creux et des bosses qui font jouer la lumière.

 

-quelles sont les étapes de votre travail?

Il y a d'abord les recherches que je conserve dans un classeur, puis il y a trois lieux différents :

-au sol : je fais tremper la toile neuve, je l'essore et je la mets à sécher à plat sur du feutre.

-au mur : je projette ou j'agrandis la recherche que j'ai choisie

-sur la table : je peins. C'est l'étape que je préfère, suivie de l'accrochage car " la peinture commence à vivre dès qu'elle quitte l'atelier"

 

 

-Pourquoi ces titres portant un numéro ?

Ils correspondent à la manière de démonter l'image de départ.

-"LECTURE" pour un démontage horizontal

-"PASSAGE" pour un démontage vertical

-"EFFIGIE" car c'est un travail sur les visages.

Le numéro correspond à celui de la recherche inscrit dans le classeur. Ces titres n'apportent pas une interprétation de ma part; ainsi le tableau devient la propriété de celui qui le regarde.

 

-Comment choisissez-vous les couleurs?

Il n' y a pas de règle. A partir d'une émotion! Ainsi, la couleur orange provient de celle d'une rose dans le jardin de Bagatelle. Ca peut aussi être celle de la rouille déposée sur un métal, la couleur d'un toit. Ensuite les couleurs "s'appellent". Elles sont mélangées au fur et à mesure de la peinture et il n'y a pas plus de trois nuances car au-delà, l'œil ne compte plus.

 

-Le cerne est-il indispensable ?

Forme et fond ne se touchent jamais. Cette "réserve" s'apparente à ce que Braque appelle "l'entre". C'est comme cette bande qui vibre entre le ciel et la mer. Le cerne est l'équivalent du silence en musique, c'est une respiration.

 

 

-Monsieur Stoskopf, quelle est l'origine de votre nom ?

Il est d'origine celtique et je suis alsacien. Mon grand-père, a changé sept fois de nationalité ! Tantôt allemand, tantôt français.

 

-Pourquoi avoir choisi le bois ?

C'est un hasard. J'ai d'abord été peintre et ça me fatiguait la tête et pas le corps. Un jour j'ai reçu une livraison dans une caisse en bois et au même moment une galerie me demandait une œuvre sur le thème de la main. J'ai découpé ma main dans une planche de la caisse, je l'ai poncée, polie, découpée en puzzle et je me suis rendu compte du rapport entre les lignes de la mains et les lignes du bois. C'était en 1974. Le bois est un matériau facile à travailler, peu onéreux, qui demande peu d'outils et avec lequel on est quotidiennement en contact. Le bois raconte toujours quelque chose. Avec lui, on remonte le temps, on retrouve le geste des ancêtres. Faire des incisions c'est marquer le temps qui passe ; répéter le même geste c'est arrêter le temps. Quand on va au cœur de l'arbre, on remonte vers son origine, on remonte le temps.

 

-Faites-vous un croquis avant de sculpter ?

Je ne fais jamais de croquis car ce serait exécuter ce que j'ai déjà fait, ce serait copier ! Je ne pars pas du figuratif, mais du concret. Le bois porte en lui une écriture avec laquelle je ne dois pas entrer en contradiction : ses fibres, ses veines, ses nœuds, ses accidents, ses blessures.

 

-quelles sont les étapes d'une sculpture ?

Il y a d'abord l'envie. Il faut qu'un morceau de bois m'appelle. Certains restent des années dans l'atelier et un jour ils sont choisis. Il y a une sorte de joie, d'ivresse, les mains s'agitent échappent à mon contrôle et c'est la naissance d'une nouvelle idée. Ensuite c'est un travail de répétition, besogneux, avec des outils électriques très simples : une scie sauteuse, une scie à chantourner, puis les ponceuses. C'est un travail par érosion et frottement et non un travail traditionnel avec des gouges. C'est l'outil qui ne peut pas scier plus de six centimètres d'épaisseur qui m' a contraint à travailler en strates. Et ces lamelles collées sont plus solides que la masse.

 

-Pourquoi ne sculptez-vous que des formes rectangulaires ?

Mes sculptures sont des sculptures de peintre. Ce sont des animations de surface avec des pleins et des vides. Leur présentation en rectangle est une survivance du tableau.

 

-Que voulez-vous évoquer avec les sculptures hautes et fines ?

Je les appelle totems parce qu'elles sont dressées et debout. Je retrouve ainsi la verticalité de l'arbre et de l'homme. Elles sont un lien entre les forces matérielles, le sol, et les forces spirituelles, le ciel.

 

-A quoi pensez-vous l'un et l'autre quand vous travaillez ?

Stoskopf : En fait, il ne faut pas trop penser pour ne pas casser la magie, pour retrouver l'innocence et la fraîcheur. Les choses viennent pour ainsi dire comme ça, dans la facilité.

 

Guesdon : ça dépend à quel moment. Il me faut beaucoup de concentration au moment de la réflexion. Au moment de l 'exécution je peux travailler en écoutant de la musique.

 

 

A Riscle, les 17 et 18 octobre 2003

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