Nicole Courtois vit à Henrichemont dans son Berry natal. Elle étudie aux Beaux-Arts de Bourges où après son diplôme national de sculpture, elle est l’assistante du sculpteur Marcel Gili. Après 1968, elle assure la continuité de cet atelier. A la naissance de son deuxième enfant, elle cesse d’enseigner et se consacre à sa pratique personnelle, libérant son imaginaire et sa fantaisie.
Pénétrer dans l’atelier de Nicole Courtois, c’est se retrouver dans un salon étrange, fortement habité par sa présence, un lieu de vie inhabituel, organisé en espaces dédiés à chacune de ses activités de création. Une zone pour les dessins grands-formats, une table pour les pastels, une table pour réaliser des livres, un espace d’accueil pour d’éventuels visiteurs, un bureau avec ordinateur, un coin lecture près du gros poêle berrichon et adjacent , un vaste atelier pour réaliser ses « sculptures ». Ses oeuvres qui prennent vie dans l’espace, font un beau pied-de-nez à la définition classique du mot. Nicole Courtois fabrique . Au rez-de-chaussée, dans un bric à brac incroyable, elle accumule des objets usés à force d’usage, réparés et mis de côté, pour un « on ne sait jamais », « ça peut toujours servir ». Elle a gardé de son enfance campagnarde le plaisir des choses simples, l’amour des objets qu’on retient dans les vieilles maisons et qu’on délaisse maintenant dans les brocantes. Même les objets du quotidien retiennent son attention parce que son regard les transforme aussitôt en « possible ». Récipients, outils, ustensiles usuels constituent son abécédaire avec lequel ses mains habiles vont accoucher d ’ »un petit monde » de simulacres.
De leur moulage à l’aide de petits bouts de papiers encollés, elle copie leur enveloppe. Les voici déployés, racornis, aplatis, allongés, assemblés, puis enduits de plâtre et peints. Couleurs tendres et acidulées, en légers dégradés de blancs de rose et de bleus, ou bien teintes soutenues d’ocre puissant, de rouge carminé ou de vert fluo, elle les réinvente, leur offre une nouvelle réalité . On les re-connaît, mais ils sont différents, pas tout à fait semblables, mais un peu ressemblants ; leur étrangeté les affuble d’une certaine grâce, d’un petit air de fête, d’un brin d’espièglerie ; on les verrait bien composer la dînette d’un enfant qui s’interrogerait sur leur utilisation : le vase est bouché, la carafe n’a pas de fond, le bol est percé et l’entonnoir s’écoule sur lui-même. Suspendus aux cimaises, ils jouent avec la lumière qui projette sur le mur leur ombre dansante. Posés sur les cubes blancs leurs formes s’interpellent dans un jeu de contraires ou de similitude. La palette colorée est si inattendue qu’elle déstabilise le regard mais la lumière accroche si bien les creux et les galbes que la curiosité incite à parcourir ce nouvel ordre visuel qui simule le réel. Dans ces réceptacles de fantaisie, l’artiste dépose ses rêves, ses envies, les projets qu’elle ne peut retenir . D’ailleurs me confie-t-elle, elle préfère parler de toutes les idées qu’elle n’a pas réalisées plutôt que de s’appesantir sur celles qui ont abouti.
Les dessins monochromes reprennent l’abécédaire des formes Les petits formats traités au pochoir en constituent l’ inventaire. Déclinés en plusieurs suites colorées, les aplats poudrés du pastel bavent sur les contours et répondent aux objets comme s’ils en étaient les ombres douces et tendres. Ceux de très grandes dimensions,- des dessins peints à l’huile et non pas des peintures dit Nicole - jouent habilement sur les contrastes de taille avec les objets, mettent en évidence la simplicité du vocabulaire plastique de l’auteur.
Tel un farfadet malicieux, Nicole Courtois génère une nouvelle catégorie de formes qui constituent un cabinet de curiosité fantasque et coloré. C’est une exposition certes déroutante, mais combien attachante par le caractère mutin de l’artiste qui se rebelle contre l’idée classique de la sculpture et nous enrichit d’une nouvelle archéologie du banal..
Anto Alquier
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