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Présentation de l'exposition ( par Anto Alquier)

Témoignage de l'artiste

(après la rencontre avec les élèves)

 

Exploitation pédagogique 

en Français, en Arts Plastiques

 (Format Pdf)

Entretien avec les élèves


Anto Alquier présente l'exposition aux élèves du collège

Ève Luquet avec les élèves

...en cours de Français ...

Présentation de l'exposition (par Anto Alquier)

Ève Luquet a étudié le dessin et la gravure à l’École Nationale des Beaux-arts à Paris et les techniques de gravure dans différents ateliers. Celles-ci sont visibles au cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale.

Depuis 1986 elle dessine et grave des timbres pour le Service National des Timbres-Poste et parmi eux celui de l’Abbaye de Flaran en 1990.

Elle vit et travaille à Monoblet dans le Gard depuis 1994.

 

« Dessiner est comme faire un geste expressif, avec l’avantage de la permanence. » Matisse

 

Son grand atelier lumineux est largement ouvert sur la campagne comme si la nature était son écran de cinéma. Aussi n’est-il pas étonnant que les dessins d’Eve Luquet soient largement inspirés de ce décor quotidien qui lui colle à la peau comme un vêtement d’ombre et de lumière. De cette nature du piémont cévenol ivre de soleil, malmené par le mistral, elle en capture le souffle vital bien plus que l’image.

Ève Luquet ne travaille que sur papier soigneusement choisi, à la pierre noire, ou à l’encre de chine rehaussée parfois de lavis très peu colorés. Le dessin terminé, il est marouflé sur toile, fixé, ce qui lui confère solidité et pérennité.

Son atmosphère c’est le clair-obscur, avec un goût affirmé pour le noir éclairé par des zones d’une puissante luminosité. L’artiste couvre la surface de traits courts et serrés, enchevêtrés, jusqu’à l’apparition de la forme prisonnière de l’ombre. Il s’agit de traquer la lumière qui esquisse un volume sans le délimiter, en le suggérant seulement, en pénétrant le mystère de la nuit qui l’absorbe. Ève Luquet travaille ainsi du blanc au noir, par ajouts successifs de traits nerveux qui se mêlent, se recouvrent pour créer une matière dense, vivante, parcourue de vibrations, comme si un souffle haletant la traversait. Une charge d’énergie emplit la page, la déborde même. L’œil suit les méandres de l’ombre, se réfugie dans les interstices de lumière et s’apaise sur le clair-obscur de l’ensemble. Forme et fond sont travaillés de la même manière, ciel et terre sont de la même matière. C’est de l’espace obscur qu’émane la clarté. Un arbre peine à se détacher dans le noir, la lumière dévore l’eau qui ruisselle, un dos de femme émerge de l’ombre, la garrigue s’époumone dans la nuit. Seul le corps de l’artiste semble habiter cette nature en effervescence.

Pourtant « le sujet » n’est pas le sujet ! Ce que Eve.Luquet, dessine, c’est l’intériorité des choses, la force qui les anime, la vie qui les traverse. Le fourmillement des traits, ce fouillis organisé, crée la sensation d’un mouvement tumultueux vers les profondeurs obscures de l’inconscient. La nuit est propice aux mystères et les paysages intérieurs s’y dessinent sans censure.

C’est une tout autre atmosphère que dégagent les gravures en taille douce, à la pointe sèche ou au burin. L’obscurité cède la place à la lumière. La clarté l’emporte, le blanc du papier exalte la ligne noire, nette, qui donne la forme sans équivoque. Le dessin se fait léger, aérien, la nature apparaît comme une source de sérénité. On ressent une quiétude joyeuse. Pourtant on retrouve la même écriture gestuelle, sa danse proche de l’automatisme, le même trait énergique et libre, les coups de griffe nerveux, qui fondent la manière d’ Ève Luquet.

 

Avec des outils rudimentaires, un crayon ou un burin et du papier, au service d’une écriture simple, l’artiste chemine entre des univers à la fois semblables et différents qui traduisent la permanence de son questionnement.

 

Anto Alquier

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Témoignage de lartiste ( après la rencontre avec les élèves)

Quand j’ai été invitée par Anto et Alain Alquier à venir exposer à la Galerie bleue, j’ai tout de suite trouvé le fonctionnement de la galerie très intéressant. J’étais assez enthousiaste sur le principe et en même temps pleine de questions sur ma propre capacité à entrer dans un dialogue avec les adolescents. Anto m’avait rassurée en me disant que le travail avec les élèves avait été fait par les professeurs et que je n’aurais qu’à répondre à leurs questions. Je n’ai donc rien préparé.

Je fais partie de ces artistes qui ne sont jamais sortis de leur atelier. Je n’ai jamais enseigné, à part la technique de gravure à des gens déjà avancés dans leur travail de dessin .

Cette rencontre avec les élèves a été très forte pour moi, très bouleversante. D’abord je crois que ça ne m’était jamais arrivé que des gens travaillent sur mon travail de façon suivie. C'est-à-dire qu’ils fassent l’effort de rentrer dedans, de le comprendre, de l’interroger, de l’analyser.

J’ai été surprise par la maturité des questions posées par ces jeunes, qui dépassaient les questions posées habituellement par les adultes lors des vernissages. Il est vrai qu’elles étaient le résultat de d’un travail approfondi avec les professeurs…

On sentait aussi le travail d’approche qui a été fait par Anto Alquier devant les œuvres avec les jeunes, je crois que c’est pour une bonne part cela qui leur a permis d’entrer en contact avec un travail difficile pour eux, à cause du manque de couleur, de la présence et de l’intensité du noir, de l’aspect non-anecdotique.

Cela m’a beaucoup touchée de sentir l’intérêt réel de certains d’entre eux, qui s’est exprimé a travers leurs questions, et particulièrement celles qui leur sont venues en plus, spontanément, pendant l’échange.

J’avais le trac avant la première rencontre, mais après j’avais envie de continuer, j’étais déçue que ça s’arrête.

Les deux classes de troisième avaient été regroupées ensemble, après une heure d’entretien je n’avais répondu qu’à la moitié de leurs questions, et les élèves ont demandé à revenir pendant une heure de  " trou " entre deux cours. Ce que nous avons fait. C’était formidable qu’ils insistent pour continuer pendant un temps consacré à la récréation !

A ce propos, ce serait bien de prévoir la possibilité que ces entretiens durent un peu plus si le courant passe et si les jeunes le désirent, qu’il y ait un peu de marge possible…

Ils sont encore à un âge où on a une réelle ouverture à quelque chose de nouveau, même si c’est à priori un travail qui ne les attire pas beaucoup. Ils peuvent être un peu rebutés ou intrigués, ils restent curieux et font l’effort de comprendre ce qui se dit là.

Cela a été émouvant pour moi. Les adultes qui sont rebutés à priori par mon travail s’en détournent, alors que là, aidés par le travail pédagogique des enseignants, ils sont appelés à dépasser la difficulté et à aller y voir plus loin.

Ces échanges ont éveillé en moi le désir, totalement inconnu jusque là pour moi, de travailler en atelier avec des enfants ou des jeunes, de partager avec eux cet apprentissage du regard, et les recherches avec différents outils. Par exemple, comme j’ai senti que beaucoup étaient dérangés par le noir (qu’ils ont tendance à lier à la tristesse), je me suis dit que ce serait formidable de les faire travailler en transposant un dessin de leur choix en une peinture très colorée, tout en gardant la structure et l’état d’esprit. On pourrait ensuite faire l’inverse, partir d’une œuvre de coloriste, et en faire une œuvre en noir et blanc, qui respecterait la dynamique de l’original. Ce serait pour eux un moyen de rentrer en relation intime avec le noir et blanc.

Ce serait très intéressant pour moi d’avoir un retour sur ces échanges : savoir si, suite à nos entretiens, leur regard et leur compréhension sur le travail a changé, savoir comment eux ils ont vécu les choses. J’ai lu cela dans des textes écrits par les élèves avant et après les précédentes expositions et c’était passionnant….

Eve Luquet , le 6 juin 2009 à Riscle

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ENTRETIEN AVEC Mme EVE LUQUET ET LES ELEVES

 

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous préférez travailler l’intérieur des formes plutôt que le contour ?

Ce qui m’intéresse, c’est la perception de l’énergie de la vie. Le trait immobilise, le travail de la ligne est un travail plus synthétique. J’aime les vibrations que donnent l’ombre et la lumière si je dessine les contours, je n’arrive pas à rendre le mouvement.

 

Vos dessins sont présentés à la manière d’une peinture. Est-ce un choix volontaire ?

Oui, au début je les présentais sous verre mais lorsque j’ai fait des grands formats le verre devenait trop lourd, trop fragile et aussi trop cher. Le verre fait aussi des reflets sur les couleurs sombres et l’on a une moins bonne visibilité des œuvres. Donc j’ai marouflé mes dessins et je passe un vernis pour rendre le dessin moins fragile.

 

Je ne distingue pas trop si vos dessins sont figuratifs ou abstraits (à part la série sur les dos). Comment les considérez vous ?

J’essaie de sortir de ce genre d’étiquette ! D’une certaine façon, je les considère comme figuratifs car on peut toujours voir ce qu’ils représentent mais j’aime aussi laisser de la place au rêve…

 

J’ai remarqué au premier étage deux dessins représentant un dos. Avez-vous eu besoin d’un modèle ?

Cela me revient trop cher de payer un modèle ! Je suis donc allée dans un atelier de dessin mais les poses étaient trop courtes ! J’ai alors demandé à des amis de faire des photographies de leur dos, puis, je travaille d’après celles-ci. Je n’aime pas dessiner des visages. J’aime que cela reste anonyme donc je ne prends qu’une partie du corps.

 

Pour quelle raison vos dessins ne sont-ils pas en couleur ?

Je ne ressens pas la nécessité d’en mettre ! Pour moi le noir, le gris et le blanc sont plein de couleurs !

 

Vous dessinez vous gravez mais avez-vous déjà peint ?

Oui, par périodes ; dans le passé j’ai beaucoup peint, les dernières peintures datent des années 1998-99. J’avais choisi le thème du bol et pendant trois ans je n’ai peint qu’un bol sur différents fonds et différents formats. J’ai fait aussi des œuvres au pastel, à l’aquarelle, à l’huile et à l’acrylique. Peut-être un jour je recommencerai !

 

Avez-vous déjà exposé à l’étranger ?

Oui plusieurs fois. En Suisse à Lausanne et en Allemagne près de Cologne dans le cadre d’une association.

 

Pourquoi avoir choisi cette atmosphère de clair obscur ?

J’aime le noir éclairé par des zones lumineuses. J’aime la forme prisonnière de l’ombre et j’aime rechercher la lumière qui va me donner un volume sans le délimiter.

 

Vous décrivez-vous dans vos œuvres ?

Non, je ne me décris pas. Par contre j’essaie de dessiner le monde tel que je le ressens, avec mon regard ! Mon but n’est pas de montrer mes sentiments mais de montrer quelque chose mais tout cela est très subjectif !

Vous savez, moi j’intéresse peu de gens par contre la planète intéresse tout le monde !

 

Transmettez-vous votre savoir ?

Non, je ne me sens pas capable d’enseigner ! Beaucoup d’artistes le font car ils ont besoin d’argent. Moi, je suis toujours dans la recherche, dans l’inconnu, ce qui ne me donne pas la capacité de transmettre mon savoir.

 

J’ai remarqué la série de timbres au premier étage que vous avez retravaillés. Pouvez-vous nous parler de ce travail ?

Ces timbres ont été achetés au marché aux puces à Paris. C’est l’expérience d’un travail sur de très petits formats. Je dois avouer que cela me sert souvent de « défouloir » car ce support me permet une totale liberté par rapport aux commandes officielles.

 

J’ai remarqué que dans certaines de vos œuvres vous utilisez du papier Japon. Ce papier a-t-il une caractéristique spéciale ?

Oui, car ce sont des papiers fabriqués à partir de plantes. Ils ont une grande réceptivité à l’eau et sèchent sans s’abîmer, ce qui est très important en gravure, car ont est obligé de mouiller le papier avant de faire un tirage. Le papier japon pèse environ 60 grammes il est donc très fin !

 

Pourquoi ne faites-vous pas plus de tirages de vos gravures ?

J’utilise la pointe sèche pour mes gravures. Avec cette technique, à forme d’imprimer, la barbe faite par la pointe sèche disparaît et la gravure n’est plus aussi bonne donc les tirages sont forcément limités !

 

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