"Une sensation de vitalité joyeuse nous touche aussitôt l'entrée. C'est la couleur qui capte l'attention." (Anto Alquier) |
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Jérôme Tisserand né en 1948 est directeur des Affaires Culturelles de la ville d'Evreux. Son atelier est à Paris. Elève des Beaux Arts de Toulouse de 1965 à 1970, il s'engage en peinture tout en travaillant . Il est d'abord professeur de la ville de Paris, puis responsable de la mission Arts Plastiques. Il assume ensuite différentes fonctions de direction dans le domaine de la culture à Paris, Châlons sur Saône et depuis 2001 à Evreux. De nombreuses expositions permettent de voir son travail en France et dans une galerie de Los Angeles. Depuis ses études il a gardé des attaches toulousaines et des amitiés dans le Gers qu'il retrouve avec plaisir.
Une sensation de vitalité joyeuse nous touche aussitôt l'entrée. C'est la couleur qui capte l'attention. Elle est intense, chaude, douce et nuancée, parfois violente, exacerbée par la vigueur des contrastes de complémentaires et le jeu des formes qui s'appellent et se repoussent, s'épousent et disparaissent. Nous voilà face à un travail de déconstruction-reconstruction de l'espace traditionnel qui donne à la peinture l'apparence de l'abstraction. Le ciel, la terre, le proche et le lointain dialoguent en permanence dans une tension continuelle . Des bribes de figuration se coulent dans des nappes de couleurs, s'effilochent et disparaissent emportées par l'amplitude du geste ; le titre aidant, on reconnaît un paysage, un arbre, un personnage, un corps de femme ; comme une mémoire qui s'efface, les formes s'imposent puis se diluent dans le passage d'un plan à un autre. Elles s'imbriquent, se disloquent, créent un espace instable comme si la toile était le lieu de surgissements de souvenirs fugitifs qui se télescopent, s'enchaînent et s'emmêlent. Le regard balaie la surface sans être arrêté par un élément particulier car toute la surface est traitée sans hiérarchie. Parfois des bandes colorées rectilignes viennent casser le mouvement créé par la multiplicité des plans qui se lisent comme autant de points de vue. Des petits " inserts " figuratifs, tableaux dans le tableau, contrastent dans la facture et la couleur avec le reste de la toile . Ces " portes " ouvrent des trouées sur un ailleurs et invitent à franchir le pas entre le réel et l'imaginaire à moins qu'elles soient au contraire l'ancrage sur l' ici et maintenant, qui permet à l'artiste de passer d'un simple paysage à un autre monde dont il est seul à posséder la clé. Tisserand est un peintre du " sujet " lequel est, non pas l'objet de la peinture mais le prétexte de la peinture. Il s'impose des thèmes qu'il travaille pendant plusieurs années afin d'en épuiser tous les possibles. Son but n'est pas de rendre sur la toile l'image d'un paysage ou d'un corps, de copier la nature et de faire du tableau un ornement pour décorer les murs. Il utilise le langage pictural pour fixer son interprétation du monde, sa réalité, qui n'empêche pas notre interprétation personnelle. Ainsi, le peintre se définit comme un " passeur " qui a le pouvoir de bouleverser notre vision ordinaire en nous proposant un saut dans l'inconnu. En troublant notre perception du réel, il suscite des questionnements, il modifie nos points de vue et nous permet de vivre autrement. Anto Alquier |
1- J’ai remarqué des petits rectangles contenant des dessins figuratifs dans certaines de vos oeuvres. Quelles significations ont-ils ? En effet, il y a très souvent de petits rectangles. Vous avez remarqué à l’intérieur une peinture figurative représentant un paysage représentant pour moi le rêve, la nature, l’espace. La ligne d’horizon lointaine et le ciel évoquent pour moi la liberté.
2- Nous avons simplifié nos oeuvres pour arriver au «presque parfait». Est-ce aussi votre méthode ? Cette recherche est une préoccupation essentielle pour moi. En fait je n’ai pas vraiment de méthode, parfois je pars du simple vers le plus compliqué. D’autres fois je commence par un projet très détaillé que je simplifie petit à petit.
3- Vos oeuvres ont-elles été déjà vendues aux enchères ? Oui, j’ai eu plusieurs de mes toiles mises en vente à l’hôtel Drouot à Paris mais aussi à Londres et aux Etats-Unis. Ce sont des personnes qui me les ont achetées puis les revendent pour diverses raisons.
4- Vous êtes vous servi d’autres supports que la toile ? Bien sûr. Lorsque j’étais très jeune, je n’avais pas d’argent donc je peignais sur du papier, du carton d’emballage et même sur des draps de coton ou de lin. A l’époque la toile, tendue sur un châssis de bois, revenait très cher !
5- Avez-vous une couleur privilégiée ? Peut-être le rouge. Mais en général, j’aime toutes les couleurs. Il faut bien se dire que chaque couleur a besoin des autres pour exister.
6- J’ai utilisé des dégradés sur mon dessin, cela m’a paru difficile à réaliser. Avez-vous une technique particulière ? Non, pas particulièrement. En fait c’est à force de travail et d’exercices. J’utilise des brosses larges et commence par le haut en descendant rapidement. Il faut une grande amplitude du geste.
7- Quel métier vous faisait rêver lorsque vous étiez jeune ? J’ai toujours voulu être peintre. Malheureusement mes parents n’étaient pas d’accord et j’ai du partir très tôt de chez eux pour pouvoir faire mes études. Depuis j’ai du réaliser près de 1300 tableaux!
8- Par qui avez vous été influencé ? Je ne sais pas l’influence qu’ils ont eue sur moi, mais j’aime beaucoup Matisse, Nicolas De Staël, Bazaine, les sculpteurs comme Calder et César. Je reste très touché par le mouvement cubiste qui à l’époque a été très novateur.
9- J’ai remarqué que le visage n’est jamais représenté dans vos oeuvres. Est-ce volontaire ? Oui, c’est volontairement. La figuration du visage ne m’intéresse pas. Dans mes toiles, il est symbolisé par le paysage. Ces paysages pour moi représentent le bonheur, le souvenir et la mémoire.
10- Pouvez-vous nous parler de vos formes géométriques qui sont en opposition avec les lignes courbes ? Ces formes géométriques aident à la construction de mes tableaux. Le carré, le triangle et le losange donnent un caractère de solidité et de rigueur. Ils sont en opposition avec l’imaginaire, le rêve et la liberté |