photographies rencontres et vernissage | |
Nocturne musicale : harpe | Exploitation pédagogique de l'exposition |
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"Les fleurs rouges"
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"Bouquet de fleurs au rideau blanc" |
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Vue partielle de l'exposition |
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Vue partielle de l'atelier de J.G.Badaire
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Jean-Gilles Badaire vit et travaille dans un village près de Blois. Grâce à plusieurs dizaines d’expositions personnelles et de nombreux livres d’artistes avec des poètes , il est devenu l’une des figures majeures à la croisée de la poésie et de la peinture en France. Il travaille par séries , de la figure humaine à la nature morte , de la page de carnet à la toile grand format. J-G Badaire mène de front une carrière de peintre et d’écrivain. Il publie des ouvrages personnels, illustre ceux de poètes , suit l’activité littéraire avec assiduité et dévore les livres. Les murs de sa maison témoignent du besoin de se nourrir de littérature, d’échanger avec des écrivains et des artistes. Il pratique la correspondance papier, ignore tous les appareils informatiques actuels qui « le fatiguent ». Ses voyages en Afrique, ses marches campagnardes lui ont appris la sobriété des bagages , mais l’utilité d’un carnet et d’un crayon. Peu de moyens, tout ce qu’il y a de plus simple lui suffit pour dire sur la toile ou le papier les tumultes de sa vie intérieure. Badaire est un expressionniste instinctif. Les « sujets » ne sont que prétexte à peinture et la technique n’est qu’un moyen au service de l’acte pictural : un dessin malhabile, des couleurs de la terre, des aspérités, de la poussière ou du velours.. . Devant ses oeuvres on ressent l’urgence, la fureur de posséder ce moment délectable de l’acte de peindre. La toile blanche, surface immaculée, inerte, est angoissante. Il lui faut vite accaparer cet espace, lui donner vie par quelques traces, lui imposer sa présence. La toile ou le papier est immédiatement imbibé d’un jus d’ombre brûlée et de lumière, de gris ou de brun qui recevra la forme élue dans une valse vive de coups de pinceaux, de brosse et de matière.
Badaire est un peintre de l’instant, sans repentir, mais cet instant contient la somme de sensations, d’interrogations, de réflexions accumulées au quotidien. Il ne jette rien. Dans son atelier, il thésaurise : lectures, souvenirs, lettres, pots, pinceaux, crânes, papiers, dessins, punaisés, suspendus , posés! Les titres de ses oeuvres témoignent de sa préoccupation poétique ou littéraire. En somme, l’oeuvre est le concentré de ses ressentis, de ses doutes, de ses espérances . Badaire est « un peintre du dehors qui peint son dedans » dit son ami Joel Vernet. Si le thème du bouquet est un classique dans l’histoire de l’art, les siens sortent de la norme et risquent d’irriter un regard convenu . Oublions un instant ce que nous savons pour accueillir ses pots qui flottent et occupent l’espace devant un rideau de peinture qui les absorbe dans sa couleur et sa matière. Des tiges graciles et tremblantes en sortent , au bout desquelles s’épanouissent des fleurs en train de s’étioler. Que ce soit dans les noirs, dans les gris argentés ou dorés, dans les bleus sombres, on ressent leur présence éclatante, chargée de mystère, peut-être celui de la vie , de sa fragilité, de son inexorable fin. Ces bouquets ténébreux s’agitent dans une sorte de danse pathétique qui nous ramène à notre humble condition. Ils ne sont que prétexte à penser, l’image est un leurre qui fixe le regard , provoque l’émotion mais dissimule un sens caché qui fait naître le plaisir de la délectation. Chacun s’y abreuve selon sa sensibilité, et le degré de son émotion. Les « Folles » sont des personnages silhouettés, de dos, appuyées sur le rebord supposé d’une fenêtre qui ouvre sur un ailleurs qu’on ne distingue pas. Elles sont filles, aux longs cheveux défaits, sans visage , mais pourtant nous leur prêtons une vie intérieure, nous les ressentons perdues dans leurs pensées, figées dans une sorte d’attente, étrangement seules et tragiquement absentes, silencieuses et dignes. Peu de moyens suffisent à les rendre attachantes, et c’est par le biais de la peinture que l’empathie s’installe. Fond incertain, dégradés de couleur, giclures, dégoulinures, surfaces caressées, gestes brefs, elles sont enveloppées d’un halo de lumière qui les élève au-dessus de l’humain, sortes de vierges éthérées dégagées du poids de l’humanité. Son journal, représenté ici par une une vingtaine de pages, condense son univers , les « sujets-prétextes » qui bornent sa vie de peintre . Des petits riens, d’humbles objets, des choses qui font le quotidien de chacun d’entre nous et qui nous disent que le banal est remarquable si l’on consent à le voir, puis à le regarder et à se convaincre que ce que l’on ressent vaut bien que l’on s’y attarde. Il y a dans l’oeuvre de Badaire une sorte de joie à repousser les démons, une joyeuseté à taquiner la mort. Anto Alquier |
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Exploitation pédagogique de l'exposition
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Quel était votre premier
tableau et quel âge aviez-vous ?
J’étais très jeune, les premières choses que j’ai faites, j’avais sept ou huit ans. J’ai commencé par des collages. J’ai gardé toutes les œuvres que j’ai réalisées et ma première exposition c’était à 17 ans. Qui ou quoi vous inspire pour vos tableaux ? Rien ne m’inspire en particulier, ce qui m’anime c’est le travail en soi, c’est laborieux. Je commence un tableau au sol, je renverse la peinture dessus, je marche dedans, je suis dans la peinture, ça vole dans tous les sens, je fais de la peinture gestuelle quelquefois avec des branches en fouettant. Est-ce qu’il y a quelqu’un de votre famille qui peint aussi ? Non, ou peut-être un ancêtre que je ne connais pas… Qu’est-ce qui vous attire dans la peinture ? Ce n’est pas un passe-temps ; je me mets en danger quand je peins…c’est ma vie la peinture, si vous me la retirez, je vais être en manque, c’est ma raison de vivre et si je ne me mets pas en danger quand je peins, je ne suis pas un bon peintre, je sors mon âme ; c’est comme si quelqu’un se met tout nu devant des gens, c’est difficile. Quel est votre tableau préféré ? Je n’ai pas de préférence, à moins que ce soit la toile sur laquelle je travaille. Par contre j’aime des œuvres réalisées par d'autres artistes, par exemple celles de Baltus ou de Manet. Combien de temps mettez-vous pour faire un de vos tableaux par exemple les folles ou les mariées ? C’est la réflexion qui prend le temps, des années d’expérience contribuent …l’exécution est très rapide, peut-être deux heures. Quelles matières utilisez-vous pour vos tableaux ? J’achète le charbon de bois pour barbecue car j’aime la teneur en main d’un grand morceau pour dessiner. Je mélange le pigment à l’eau et j’ajoute de la colle …Et pour le relief du pot dans une de vos grandes natures mortes, c’est aussi avec de la colle? C’est du latex, mélangé avec du goudron pour les joints de terrasses. J’utilise beaucoup de produits gras, j’ajoute de la térébenthine, aussi la cire encaustique pour des parquets qui a pour effet de diffuser la couleur. J’applique le brou de noix avec un bâton de bois irrégulier que je fais tourner sur la page plutôt que de dessiner avec. Les pots dans vos natures mortes semblent flotter en l’air, pourquoi ne les avoir pas posés sur une table ? Cela joue de la composition, je veux bien que mes vases ne soient pas réels, qu’ils soient évanescents, un peu évaporés comme dans un rêve, je ne veux pas peindre la réalité, plus les choses sont "de traviole", plus elles sont effacées, plus elles vont m’intéresser. Quelles œuvres avez-vous exposé à Chambord ? Soixante-douze œuvres en tout, dont une qui est ici à la Galerie Bleue, c’est « La mariée de Décembre ». Pourquoi mettez-vous des têtes de mort sur vos tableaux ? Parce que j’aime ça, comme objet d’abord, mais les artistes peignent des crânes pour nous rappeler notre avenir. On appelle ces œuvres-là des vanités. Pourquoi avez-vous choisi le titre " Cérémonies" pour l’exposition ? A l’exposition de mon travail à Chambord il y avait une salle pour chaque thème et je trouvais que chaque salle représentait une cérémonie. Pourquoi le choix du titre « folle »? Ce n’est pas la représentation de la souffrance, de la maladie, c’est plus la folie littéraire, c’est de la poésie. Les folles représentées sont des personnages réels ou fictifs ? Elles sont fictives mais par contre la forme, je l’ai piquée à quelqu’un que je connais bien…je n’ai pas de modèle, c’est ma femme. Pourquoi représentez-vous les folles de dos ? Parce que, je pense, je ne saurai pas affronter leur regard. Elles partent peut-être en voyage... car j’aime représenter une femme qui s’en va et j’apprécie le corps d’une femme de dos, une femme en cheveux … Pourquoi faites-vous des séries ? C’est un peu pour me rassurer, travailler avec quelque chose de familier. Quand vous peignez est-ce que vous avez l’impression de caresser la toile? Je ne vais pas dire que je ne les caresse jamais, j’ai plutôt des gestes fougueux, car j’ai gardé les gestes longtemps en moi et je me bats avec la toile…c’est physique. Quelles études avez-vous faites ? J’ai fait un parcours qu’on ne peut plus faire aujourd’hui, je voulais faire les Beaux-Arts mais mon père n’approuvait pas. Je n’étais pas un bon élève et j’étais renvoyé du lycée en seconde, il fallait travailler, j’étais facteur, ensuite j’ai travaillé avec des enfants autistes. J’ai dû passer un concours pour être guide conférencier pour travailler à Chambord. Vous avez aussi vécu à Chambord ? Oui et j’avais un grand atelier impressionnant à Chambord. Où travaillez-vous actuellement ? Dans une petite grange très encombrée et très sale, il y a des papiers et peintures qui traînent par terre et des toiles suspendues partout sur les murs, mes chats se promènent librement et il m’arrive de trouver et parfois laisser les empreintes de leurs coussinets sur mes toiles. Nous avons lu vos notes d’atelier faites lors de votre séjour à Mali, pourquoi avez-vous visité le Mali ? J’ai accompagné un ami au départ et en arrivant là-bas le style de vie simple me convenait parfaitement. Quand je voyage, mes petits carnets me sont indispensables, j’ai toujours sur moi une trousse d’outils et de matériel. Voulez- vous faire passer un message par vos œuvres ? Ce que je veux, c’est plutôt faire entendre une parole poétique par les images. Je ne fais pas de la peinture politique, j’essaie de faire passer un message assez sublime, cela paraît peut-être présomptueux, je cherche à atteindre un moment de somptuosité. Beaucoup de nous trouvent vos œuvres tristes, est-ce que c’était votre intention ? Je souhaite dire des choses graves plutôt que tristes. Je préfère des fleurs fanées à des fleurs fraîches, des couleurs éteintes de l’automne plutôt que des couleurs gaies, une journée de pluie plutôt que le beau temps. Je ne fais pas des peintures pour le décor, c’est vrai, mes œuvres sont peut-être difficiles à suspendre au salon. |
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